Yolande Miousse a élevé sa famille dans les années 1970 à une époque où les femmes commençaient à être plus nombreuses sur le marché du travail aux Îles de la Madeleine. Yolande a élevé trois enfants en travaillant comme infirmière auxiliaire, tout en tenant maison sans les conditions d'aujourd'hui ; les congés de maternité duraient 45 jours et les garderies étaient inexistantes. Une gardienne venait alors prendre la relève et chanceuse celle qui pouvait dénicher la perle rare. Mais Yolande ne s'est jamais plainte de cette situation.
Les familles étaient nombreuses et tenir une maison dans les années 1940 était un travail à temps complet. Seule une minorité de femmes travaillait à l'extérieur de la maison. Les femmes de cette génération faisaient leur pain, cultivaient leur jardin, aidaient à la culture des patates et souvent s'occupaient même d'une petite fermette.
Chaque maison disposait d'un caveau, une chambre froide sur terre battue, où l'on entassait les provisions pour l'hiver, comme les patates, les navets, les carottes et souvent un baril de pommes achetées dans les Maritimes. On alignait sur les tablettes de cette alcôve les conserves de betteraves, de fèves, de maquereaux, de palourdes, et bien d'autres victuailles essentielles puisque l'on allait rarement au magasin.
C'est seulement vers 1955 que l'électricité a fait son arrivée aux Îles et que les réfrigérateurs et les congélateurs ont fait leur apparition dans les foyers madelinots. Avant ça, on salait le poisson et la viande pour la conserver. C'est en hiver que l'on pouvait se régaler de viande fraîche puisqu'elle était conservée dehors dans des armoires ou dans des bâtiments non chauffés.
La vie d'insulaire impose à ses habitants de se montrer créatifs dans l'optimisation des ressources disponibles. À une certaine époque, les arrivées de bateaux étaient moins fréquentes, et l'hiver, on vivait coupé de la grande terre. Les Madelinots, de par leur nature et le contexte dans lequel ils ont évolué, sont créatifs et habiles de leurs mains. Encore aujourd'hui, plusieurs dames sont d'excellentes couturières et artisanes.
Depuis plus de 40 ans, Yolande fait partie du Cercle des fermières, un regroupement de femmes qui partagent leurs connaissances en matière d'artisanat et d'art de la table. Yolande y offre, entre autres, des ateliers de couture, de courtepointe et de broderie afin de transmettre ce qu'elle a reçu de ses aïeules et de garder bien vivant ce patrimoine.
Jadis, on utilisait les vêtements usés pour fabriquer des courtepointes, des objets d'une valeur sentimentale inestimable chargés de précieux souvenirs. Aujourd'hui, on utilise souvent des tissus neufs, mais on récupère encore les tissus usés ! Récemment, Yolande et ses consoeurs ont repris une technique plus souvent employée du temps de sa mère pour confectionner des couvertures avec des vêtements usés.
« Ma tante faisait des couvertures avec des vieux vêtements, elle appelait ça de la guenille. Elle les coupait d'une certaine largeur puis elle assemblait et tissait ça. Ça faisait de très belles couvertures ! »
- Yolande Miousse
Cette ancienne façon de recycler les tissus a permis aux fermières d'aujourd'hui de recycler un lot de t-shirts ayant servi lors de la marche du Relais pour la vie, un événement de levée de fond pour le cancer. Une grande couverture aux couleurs de l'événement a été créée et mise aux enchères pour contribuer à cette levée de fonds.
Aujourd'hui, Fannie et Yolande partagent encore leur passion. Fannie habite dans une résidence pour personnes aînées et sa fille lui apporte parfois des projets de tricot ou de broderie pour l'occuper. Les gestes répétés des milliers de fois sont ancrés en elle et lui permettent de s'évader tout en éveillant des souvenirs d'une époque qui a bien changé.