Voyager de façon responsable et durable

Par-delà mon balcon

fleurs dans un champ

Je vis aux pieds des buttes. J'ai la mer à portée de voie. Le trèfle s'étend jusqu'en bas où je me rends, par l'allée bordée de hautes fléoles. C'est un petit trajet que j'emprunte, c'est une chanson que je chante. Il y a le vert et le blond, les bleus qui m'habillent comme on porte une saison. Ça sent le salé.

Je promène mes doigts sur les ombelles blanches et je pince une tige que je coince entre mes dents. L'odeur robuste me rappelle un plat cuisiné en cocotte. Il y a tous ces parfums dont je fais des albums; des bouquets que je ficelle, des couronnes que j'accroche. Ici, les fleurs grandissent à travers nous.

Deux personnes marchent dans les paysages pratiquement vierges des Îles de la MadeleineJ'aime le sol sur lequel je marche. Sa terre est riche et ses peuplades, grouillantes, élabore le terrain que je piétine. Ça bourdonne, ça se consulte. Ça construit des galeries. L'air courant contre moi incline les herbes qui m'invitent au salon. Bientôt les allures du ciel m'amèneront vers de vastes rêveries ponctuées de costumes, de papillons jaunes et de salopette tachée de petits fruits. Je laisse le vent bouger mes cheveux. Ça y est. Nous y sommes.

Je m'allonge sur le gaillet. Ainsi, cintrée des verdures je me sens à l'abri. Une petite créature à coque lustrée se balance au bout d'un brin. Que pense-t-elle de moi? Cette incongruité couchée sur sa maison. J'avance la main, elle y pose une patte puis, explore mon pouce et se perche sur l'ongle comme au bout d'un tremplin. Alors que je l'imagine plonger dans le vide, elle s'envole. Au-dessus, de fins filets de nuages avalent le rose du soleil qui se couche, rejetant sur ma peau ses dernières bribes. Derrière, les vagues lèchent les galets; je suis bercée par la plainte. Je bascule. Des rumeurs de gaieté éveillent ma mémoire. Je revois mon visage de fillette briller dans le clair-obscur. Ma voix qui module et crépite en lisant les contes d'un vieux recueil, abritée sous la crèche d'épinettes rabougries.  

C'est un monde bondé de joliesse qu'il y a là. C'est un champ frais dans lequel je cours à chaque fois qu'il me plaît. L'été qui m'attrape dans ses bras tressés de fourrage, l'automne qui souffle ses écumes et furies à travers mes lainages. J'y reviens toujours à cet antre d'amour; ma fibre a grandi par ici. Et je ne peux qu'habiter cette terre généreuse; comme les herbes, les fleurs et les épinettes rabougries. Parce que moi aussi, j'y pousse encore.

Par Monalie Lapierre

Native des Îles, Monalie a grandi en territoire madelinot. Insatiable de verdure, de fleurs sauvages, de cueillette, de cuisine, elle aime écrire; jouer avec les lettres et les mots. Lire ses aventures, c'est un peu comme prendre une bonne bouffée d'air frais.

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