Mon amoureux, c'est de la « grand' race » de Havre-aux-Maisons. Son enfance s'est déployée au pied de la Butte Ronde, cette colline aux versants abrupts qui se tient fièrement au bout de l'Échouerie, à la Pointe-Basse. Joyau du canton, cette éminence aux allures de pain de sucre parée de sa grande croix blanche était le lieu de prédilection de mille et une aventures pour le petit garçon qu'il était. L'hiver, ils étaient plusieurs à se donner rendez-vous chez Martin où ils enfilaient leurs patins. De là, ils arpentaient les champs bordant la butte et se laissaient filer sur la glace sombre des petits lacs gelés. Au printemps, dès la neige fondue, ils s'amusaient à glisser du haut de la colline sur ce qu'ils appelaient « la petite échelle » et « la grande échelle », des coulées de mousse verdoyante qu'ils dévalaient joyeusement avec leurs K-Way mouillés, ou à se cacher dans « les caps de plâtre », gigantesques amas de roches blanchâtre dissimulées sur le flanc nord.
Dès le début de l'été, ils partaient en expédition vers le ruisseau situé en arrière de la Butte Ronde. Une fois rendus, ils tapaient du talon de leurs bottes de caoutchouc jusqu'à ce que la terre tremble; rien de tel pour faire sortir les grenouilles des herbes humides. Restait à savoir qui en attraperait le plus, chacun les plongeant dans leurs seaux respectifs qu'ils remplissaient à demi de l'eau du ruisseau. Le soir venu, accroupis dans le noir à la queue-leu-leu, ils traversaient le coeur battant le ponceau qui passait sous le chemin de terre, du pied de la colline à la plage de l'Échouerie. C'était toute une mission pour le « commando ruisseau ».
Un jour, ils ont entendu parler comme tant d'autres du fameux trésor de la Butte Ronde, apparemment bien enfoui dans son flanc du côté nord. Un coffre rempli de bijoux et de pièces d'or s'est mis à miroiter dans leurs esprits. Cela n'en prenait pas plus pour qu'ils entreprennent illico leur propre recherche. Ce soir-là, coiffés de leurs lampes de tête, c'est en fouillant chaque recoin de la colline, sous les racines des conifères comme à travers les eupatoires, qu'ils ont découvert une ouverture camouflée sous les caps de roches. Ne faisant ni une ni deux, ils ont lancé des cailloux dans la béance obscure : aussitôt se fit entendre une série de sons métalliques cliquetant leur bon augure. Stupéfaits, ils ont vite réalisé qu'aucun d'entre eux n'était assez petit pour passer dans le trou! À vive allure ils ont filé chacun chez eux ramenant pelles, cordes et lampes de poche au lieu rempli de promesses. Rêvant de lingots d'or et de colliers de perle, ils ont creusé, rampé, cogné... pour finalement s'apercevoir que le trésor tant convoité n'était en fait qu'un gros bidon d'essence vide. Envolés, les furtifs instants d'une richesse infinie!
Qu'importe. Aujourd'hui, dans le coeur et dans la tête de mon amoureux, les souvenirs de sa Butte Ronde brillent comme un trésor inestimable.