Depuis le confinement mon agenda s'est vidé comme une bière au 5 à 7 du vendredi et je ne sais plus quel jour on est. Le temps ressemble à mon pyjama, ample et flou.
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On s'est tout de même adapté assez vite. Je me dis que l'habitude des tempêtes y est peut-être pour quelque chose. Sauf que celle-ci est un petit brin plus longue.
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Sur le chemin tranquille où j'habite, ces jours-ci, on compte plus d'humains que de 4X4. Ils marchent seuls ou avec une poussette ou un chien ou les deux. D'autres cheminent à bonne distance ou chacun de son côté du chemin. Ceux-là on voit bien qu'ils ne sont pas confinés ensemble.
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Le jour de l'annonce de la fermeture des frontières.
- Qu'est-ce que ça te fait, à toi ?
- Rien. Tu veux aller où...
- Tu te sens pas... pris ?
- Pris du bon côté.
Du côté de ceux qu'on aime.
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Si je regarde le calendrier ça fait environ trois semaines qu'on voit pu personne et qu'on limite nos sorties au compte-gouttes ou plutôt... gouttelettes. Hier, j'ai pris ma douche, épilé mes sourcils et mis du parfum.
- Ousse que tu vas de même ?
- À la Coop.
Après le lavage des mains dans le tambour, me voici à l'intérieur du magasin où certains font plusieurs épiceries en même temps, pour mémé, pour pépé, pour trois semaines. D'habitude ici ça jase, ça prend son temps dans les allées bien accoté sur son panier. Mais cet après-midi, on entend grincer les roues qui manquent d'huile. Les gens gardent le silence et la distance le nez dans leur liste.
- On dirait qu'on s'aime pu !
Quelqu'un rit. Et c'est reparti. On sourit, à nouveau complices. À deux mètres.
Dans l'allée de la farine, du sucre et des raisins secs, on a écrit « rupture de levure » au crayon feutre au-dessus d'une tablette vide. Les brioches à la cannelle viennent de prendre le bord.
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Cuisine réconfort, pandémie oblige. Des recettes sorties tout droit de l'enfance s'invitent au menu : soupe à l'orge, chaudrée de palourdes, tarte à la sauterelle et confiture aux oeufs.
De temps en temps, enfiler ses jeans pour voir.
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Les doux incontournables
Sur mon fil Facebook, la poésie de Georges Langford à chaque jour et la musique des artistes en direct de leur salon, de leur cuisine ou de leur camion.
Et le Petit Poucet qui peint des cailloux et les sème sur la Grave en écrivant dessus : «Ça va bien aller.»
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Je pensais pendant la pandémie pouvoir écrire un roman ou rénover la salle de bain. Pfff... Finalement j'ai à peine l'énergie pour travailler un peu et faire du ménage dans mes pensées. À la fin de la journée quand le vent tombe dans un endroit secret connu de lui seul, j'enfile mes bottes et je sors. Au bout du chemin de gravaille, la mer. Fidèle à elle-même, rassurante et claire.