Les yeux de Martine brillent.
- Je suis bien quand je suis au large.
Martine Bourque est capitaine pour la Garde côtière canadienne, à Cap-aux-Meules, aux Îles-de-la-Madeleine. Mais cette attirance pour la mer et le vent ne date pas d'hier.
Elle a 10 ans quand elle s'inscrit à des cours de voile. Pendant plusieurs étés elle apprend à naviguer beau temps, mauvais temps sur des petits dériveurs conçus à l'usage des enfants et des adolescents. Pas d'habits isothermes ! Deux paires de souliers, du linge de rechange et un gros chandail de laine suffisent. Elle se souvient des «batailles de pirates» quand les petits voiliers se lançaient à l'abordage et essayaient de faire couler le bateau «ennemi...»
Une fois adolescente son frère aîné achète une planche à voile. C'est le coup de foudre. Martine vient d'avoir son permis et elle se met au défi d'apprendre la conduite à transmission manuelle pour pouvoir manoeuvrer le gros camion Dodge Ram juste pour aller sur l'eau faire de la planche. Un sport qu'elle apprend toute seule à force d'essayer et... d'essayer.
Au moment de choisir un domaine d'études, elle hésite. Elle sait ce qu'elle voudrait faire mais elle cherche à savoir s'il n'y aurait pas autre chose susceptible de l'intéresser. Elle étudie la biologie marine pendant un an et l'année suivante c'est l'astronomie. Après ces expériences elle envoie deux demandes d'inscription, l'une à l'Institut maritime de Rimouski et l'autre au Collège de la Garde côtière canadienne. Et quand elle reçoit pas une, mais deux lettres d'acceptation, c'est là qu'elle a le véritable sentiment d'avoir enfin le vent dans les voiles.
L'un de ses frères est matelot et l'autre capitaine tandis que son père, d'abord pêcheur, devient maître d'équipage à bord du traversier entre Cap-aux-Meules et Souris. À sa fille, curieusement, il ne parle jamais du métier de la mer. Des années plus tard, au moment où Martine achète un voilier, elle propose à son père de l'accompagner pour emmener sa nouvelle acquisition jusqu'aux Îles. Et c'est en mer, à naviguer ensemble qu'il va lui confier ses souvenirs.
Quand elle pense à sa vie de navigatrice certains voyages l'ont marqué plus que d'autres. Elle se trouve choyée d'avoir mené un navire du Canada aux Bermudes, d'avoir passé le détroit de Davis entre le Groenland et la terre de Baffin et d'avoir fait deux voyages dans l'Arctique. Bien sûr, l'expérience d'avoir mené le Sedna 4 jusqu'aux Açores, au Brésil et finalement en Argentine, reste un moment fort.
En mer, il faut de bonnes prévisions et une connaissance approfondie des systèmes météorologiques. Et il y a les éléments qu'on ne contrôle pas. Le vent est de ceux-là.
- Il n'a pas de thermostat! dit-elle rieuse.
Il faut apprendre à aimer le vent suffisamment pour le connaître pour ensuite être sécuritaire et avoir du plaisir sur l'eau. C'est le vent finalement qui nous amène à changer pour s'adapter à lui... et non le contraire.