— On jouait à la pêche quand on était petits. On lançait nos cages en bas de la galerie chez-nous. Ils rient, complices.
Les frères Poirier m'accueillent dans l'atelier qu'ils appellent la « shop ». C'est Jean-Mathieu qui parle.
— Me semble je le revois partir dans son petit truck pour virer sur le quai. Maxime le bon samaritain, qui s'en va donner un coup de main à quelqu'un et qui finit par aider tout le monde.
Maxime quand il est enfant, est toujours sur le quai quand son père - pêcheur lui aussi - arrive. Il ne veut pas aller à l'école, ne veut pas rester avec sa mère, il veut être avec son père sur le bateau ou à la « shop ». On lui donne un bout d'amarre, un bout de bois... et il « travaille ».
— Qu'est-ce tu vas faire quand tu vas être grand ?
— Capitaine !
À 14 ans, il réussit à se faire embaucher comme aide-pêcheur pour faire la pêche au pétoncle pendant un été. Jean-Mathieu adore la pêche lui aussi, mais quand vient le moment de faire un choix de carrière, il prend le chemin de l'université et Maxime celui du quai. Son diplôme d'études secondaires en poche il apprend le métier en travaillant comme aide-pêcheur tout en observant les manières de faire des uns et des autres.
Ils ne les disent jamais, mais ils m'ont aidé.
À 21 ans, il achète son premier bateau, le Cap Victor, pas jeune et minuscule et qui en plus, fait de la grosse boucane noire. Oncle Bernard s'offre de l'assister pour son premier printemps. Mais quelque temps après, il doit se résoudre à acheter un autre bateau mieux adapté à la pêche au homard.
Et c'est là qu'il réussit à convaincre son frère d'acheter son vieux et d'en faire un bateau de plaisance.
À ce moment-ci de l'histoire ils font une pause. Les yeux de Jean-Mathieu brillent de tous leurs bleus et Maxime a le visage fendu d'un sourire qui en dit long.
— Au début, t'es pas obligé de garer ton bateau toujours à reculons, tu peux l'amarrer de face. Quand tu seras habitué tu le mettras comme les autres.
C'est le premier conseil que Maxime donne à son frère.
— Pis faut pas que t'aies peur de faire des raises. Un bateau qui a pas de raises, c'est un bateau qui sort pas, renchérit Maxime. Et si tu sors ton bateau souvent, tu vas apprendre plus vite.
Jean-Mathieu devient vite passionné par ce nouveau loisir. En saison, il passe voir son bateau matin et soir. Est-il amarré comme il faut ? Y a-t-il de l'eau à pomper ? Pour lui, c'est une routine réconfortante. Et s'il a une question qui concerne le moteur ou une prochaine sortie en mer selon la direction du vent, il sait à qui demander.
Maxime sourit et regarde ses mains.
- La mer... t'as jamais fini d'apprendre avec elle.