Une de mes facettes préférées des Îles de la Madeleine, c'est les maisons. Celles qui semblent avoir été lancées comme des dés entre les buttes, les plages et les caps. Les maisons qui sont belles dans leurs couleurs : bleu ciel, jaune moutarde, rose bonbon, rouge vin, vert forêt, orange brûlé. Étrangement, la plus belle de toutes, ses bardeaux sont nus, sans peinture : très gris. C'est les gens qui l'habitent qui portent les couleurs : les yeux bleu mer et les joues rose poudre.
Quand on entre, ça sent bon le lilas... ou le gigot au romarin... ou la croustade à la rhubarbe. Ça sent aussi le basilic et le bain moussant à la canneberge, c'est selon la saison. Il ne fait pas trop chaud, ni trop froid. Les fenêtres laissent entrer les doux rayons du soleil et une légère brise : on sent aussi l'air salin - la mer n'est jamais bien loin. Il y a juste assez de couvertures pour que chacun puisse s'emmitoufler. Les horloges n'ont pas la bonne heure : on a le temps.
Dehors, il y a un immense jardin dans lequel on retrouve, entre autres, laitues, haricots, courgettes, concombres, betteraves, choux et fines herbes. Au menu cette semaine, il y aura sans doute une ou deux ou trois salades. Les chiens mâchouillent tout le bois qui croise leur chemin, engloutissent les bleuets sauvages avant qu'on puisse les cueillir, courent après les écureuils et préfèrent clairement boire directement du boyau d'arrosage plutôt que dans leur bol d'eau.
Les jours où la pluie martèle les vitres, on s'installe autour de la table. La théière est pleine de tisane au gingembre. Copain pratique son piano pendant que les autres jouent aux cartes et que pitou salive, la tête sur mes genoux en regardant avec envie les fraises rouges du jardin. Les plantes sont arrosées, tout le monde a bien mangé et les bouteilles de vin sont bien entamées. On entend rire et chanter, mais aussi pitou no.2 qui ronfle sur son coussin.
J'ai eu la chance de vivre dans la maison du bonheur pour quelques jours et de découvrir la simplicité d'une belle journée. Vivre au rythme des Îles et profiter des petites douceurs quotidiennes : trouver l'extra dans l'ordinaire. C'est souvent ce dont j'ai besoin après la frénésie de l'été. Je crois que c'est ce que j'apprécie le plus de ma nouvelle terre d'adoption : sa tranquillité. Retrouver la basse saison, ralentir le tempo avec elle jusqu'à l'été prochain.